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Chapitre 1
9 septembre 2013

Date : ©2014, Janvier
Longueur du texte : 23695
Nombre de mots : 4166

2h00.
Lundi.

Alioth vient de quitter ses amis, il est sur la route à cette heure indue. Il repense à la veille, c'était à cette même heure qu'il avait ses cauchemars.

Soudain, un bruit de dérapage puis de collision. Alioth est aux aguets, rien devant lui, rien dans le rétro. Il s'arrête et descend du véhicule, rien !

— Je n'ai pourtant pas rêvé ?

Il entend une sirène d'ambulance qui arrive, rien seulement le son. Le bruit passe devant lui, rien qu'un souffle, un déplacement d'air incompréhensible. Alioth a tous ses sens en alerte, même le duvet de ses bras est hérissé pour capter la moindre sensation inhabituelle. Le bruit s'éloigne comme l'aurait fait une véritable ambulance. Il recommence à inspirer, instinctivement il avait bloqué sa respiration. Il déglutit, tout semble d'un calme inhabituel. Peu à peu, il réentend les bruits de la nuit, feutrés et lointains.

Alioth remonte dans son véhicule, redémarre, cale.

— Je dois être un peu secoué !

Il remue son cou, gauche… droite… fait craquer ses cervicales pour décontracter ses muscles, son dos et se concentrer sur la route. Alioth est troublé.

— Deux heures du matin. Endormi ou éveillé, les augures ont réglé une alerte en fanfare rien que pour moi ! C'est hallucinant, cette affaire doit se terminer au plus vite !

En arrivant à son domicile, Alioth est bougon, le ton décontracté de la journée dont il s'est délecté a été totalement effacé par cette aventure invisible. En entrant le chat le regarde droit dans les yeux.

— Alors Salomon, cette journée…

Le chat grimpe sur le chiffonnier et lui tourne le dos. Alioth lève les yeux au ciel.

— La journée continue ! Se dit-il découragé.

Bavard se met à siffler stridemment. Alioth est excédé.

— J'avais juste besoin d'un réconfort ! Si j'avais voulu qu'on me fasse la tête quand je rentre, je me serais marié !

Rien n'y change, ses acolytes sont imperturbables et hautains.

Alioth se fait une boisson chaude.

— Finalement côté réconfort, je devrais me mettre à la picole !

Il se lève et pour narguer chat et corbeau, il joue du air-guitare et chante Graeme allwright

— Jolie bouteille, sacrée bouteille, veux-tu me laisser tranquille, j'veux te quitter, j'veux m'en aller, j'veux recommencer ma vie !

N'ayant aucune réaction positive, Alioth, désespéré de tant d'ingratitude, va se coucher.

Il s'assied sur le rebord de son lit, repense à son aventure de la veille, à son doigt de pied meurtri. A ce souvenir, il éprouve cette douleur électrique ressentie quand on entre en empathie avec la douleur de l'autre : elle part du plus profond de vos entrailles, et parcourt en un instant tout votre corps comme une vague grésillante. Heureusement, la douleur initiale est apaisée.

En se couchant, Alioth parle d'une voix forte.

— Bonne nuit quand même, ingrats !

9h00.

— J'ai réussi à dormir six heures…

Un rayon de soleil passe au travers des persiennes et zèbre la chambre.

— Encore une journée d'attente.

Il traîne des pieds, l'enthousiasme n'est pas là. Il ressent la lassitude des nuits écourtées.

Le journal, le petit-déjeuner, la machine corporelle n'est pas encore en route, le grincement lancinant d'une porte rouillée se marierait très bien avec cette ambiance… sans ambiance, morne, terne… L'automne ! Ce pauvre rayon de soleil paraît même gris, l'humeur d'Alioth déteint sur les couleurs.

Cette matinée sera faite de pantouflerie, de mélancolie et de procrastination. L'ambiance est au ronron. Alioth va s'offrir une matinée de chat, affalé sur le canapé, radio à gogo, grignotage et babillage, roman et roi fainéant.

Le farniente a commencé, allongé, le nez dans un bouquin, le chat coincé entre lui et le dos du canapé. Le félin est affalé de tout son long, le ventre à l'air, les pattes toutes en longueur, Alioth ne le croyait pas si long, le Salomon.

11h00.

Calme, plénitude et… BAOUM ! Un énorme bruit, un coup venant du mur. Le chat bondit d'un seul coup en labourant la cuisse d'Alioth. Simultanément le corbeau s'envole et tourne en rond en croassant ses cris d'alerte.

Alioth va rapidement à la fenêtre, le bruit semblait venir de l'intérieur de la maison, mais cela paraît tellement invraisemblable qu'Alioth s'attend à trouver une voiture encastrée dans le mur. Rien. BAM ! BAM ! Deux autres coups retentissent, moins forts mais tout aussi flippants. Alioth a sursauté. Le corbeau crie toute sa désapprobation. Le chat a doublé de volume, marche en crabe et regarde en hauteur à la jonction de deux murs. Salomon crache à présent. Alioth en a froid dans le dos et le chat lui communique sa stupeur, lui aussi a les poils hérissés, moins impressionnant que Salomon, mais… Pendant un bref instant, il s'imagine ayant doublé de volume avec le même système pileux que Salomon. Il sourit à cette image, mais réintègre très vite l'instant présent, une plainte s'élève, geignante, une voix féminine semble-t-il. Tout le monde se calme. Cette voix d'outre-tombe apparaît comme moins menaçante. Alioth est étonné autant qu'effaré, c'est la première fois que ce phénomène se produit ailleurs que dans la pièce mystique.

— Vous voulez me parler ? Un coup pour oui, dit Alioth d'une voix peu assurée.

Un coup se produit. Sa voix s'affermit, maintenant il avance en terrain connu.

— Vous êtes la voix de mon rêve ?

Encore un coup. Un silence.

Alioth cherche sa prochaine question.

Retentissent deux coups, trois, quatre, et encore beaucoup d'autres. Le chat miaule, comme de douleur et file sous un meuble. Bavard s'agite.

— Ils sont lààààà ! Visitoooor !

Alioth se bouche les oreilles.

— Assez !

Tout s'arrête.

Enfin le calme. Alioth est dans l'interrogation, il pense à vitesse grand V : va-t-il se produire d'autres manifestations ?

Alioth se reproche de ne pas avoir enregistré, mais son matériel est dans la salle octogonale. Il regarde ses mains, il tremble.

— Je vais acheter plus de matériel…
— Il me faut d'autres enregistreurs.

Alioth s'en persuade pendant que son rythme cardiaque redevient normal.

Il réalise la situation.

— Heureusement, je n'ai pas d'enfant, il aurait été affolé !

Alioth comprend que c'est un nouvel épisode dans cette aventure.

— En premier, prendre des notes, en second, appeler Varmusse.

Tout en rédigeant son compte-rendu. Il téléphone, une sonnerie, deux, trois, quatre… Varmusse n'est pas là. Un "rappelle-moi, j'ai du nouveau" sur le répondeur et Alioth raccroche. Alioth est frustré, il aurait voulu échanger avec son ami, converser avec lui suffit à ordonner le sens des évènements. Le mystère restera sans véritable interprétation et attendra bien ce soir.

14h00.

Alioth se rend en magasin et recherche un enregistreur qui se déclenche au bruit. Un vendeur d'électroménager lui conseille plutôt une magasin de surveillance pour ce genre de produit. Après plusieurs boutiques, Alioth a trouvé ce qu'il désirait : micros de surveillance avec enregistrement sur carte mémoire, identique à celle d'un appareil photo. Ce système marche sur secteur et sur pile. Quand il éteint l'électricité pendant ses séances, ce matériel continuera d'être fonctionnel. Il achète également deux caméras basées sur le même système. Le tout se servant de la technologie wi-fi, gérable sur son ordinateur.

Alioth entre encore un peu plus dans la modernité. Ce matériel permettra de garder des traces sonores de tout ce qui se passera dans sa maison, même quand il dort ou qu'il est sorti. C'était l'occasion de remplacer son matériel obsolète par du numérique. Il n'avait pas fixé de budget et il a eu raison, il n'aurait jamais prévu une telle facture.

Il pourra également voir ce qui se passe dans la maison à partir de sa tablette avec un clé 3G «nbsp;dans le cas d'un cambriolagenbsp;» a suggéré le vendeur.

16h00.

De retour à son domicile, passe le temps de se dévêtir ; de poser ses paquets d'achat ; de boire une verre d'eau ; de s'asseoir pour ôter ses chaussures et se délasser les orteils comprimés.

Il appelle Varmusse. Celui-ci décroche immédiatement, son "allo" reste en suspens.

— J't'ai appelé deux fois, as-tu lu mes messages ?
— Non, t'appeler n'est pas la première chose que j'ai faite, mais une seule milli-seconde sépare mon entrée de cet appel. J'ai l'impression de m'être transformé en jolie blonde et que ton prochain reproche sera : t'étais où ?

Varmusse éclate de rire.

— J'n'étais pas loin de cette expression ! Je t'ai laissé deux messages. Tu m'as dit que t'avais du nouveau, c'est quoi ?

Chaud bouillant le Varmusse ! La retraite doit être un brin ennuyeuse.

Alioth le met au courant des derniers évènements.

— Ton affaire est de plus en plus palpitante, tu devrais faire un tableau de tous ces évènements, il y a forcément des recoupements à faire, Ô grand maître Alioth ! Ton carnet va devenir un cahier de deux-cents pages si cela continue.

Alioth lui décrit aussi le matériel qu'il vient d'acquérir.

— Formidable, informatiser tout c'qui s'passe, t'aidera à n'rien oublier, estime Varmusse. Tu m'montreras comment ça marche la prochaine fois, que j'comprenne concrètement. J'veux pas rester un vieux dinosaure inadapté à son époque
— La sagesse n'a rien d'inadaptée
— La sagesse et le numérique c'est encore mieux, mon vieux !

16h30.

Alioth installe le matériel, suit les indications de chaque appareil, sonore, vidéo. Il perce, visse : dans le couloir, la cuisine, sa chambre, le salon. Il fait une installation identique dans la pièce mystique, mais sous plusieurs angles, quatre exactement. Il n'a rien prévu pour le second étage, inoccupé pour l'instant. Il ne sert que pour les invités.

Il ouvre son portable, insère le CD-rom et installe le logiciel de gestion des appareils. L'installation informatique lui demande d'allumer les appareils pour les reconnaître. Il appuie sur tous les interrupteurs, un à un, puis revient devant l'écran, l'installation mouline, le témoin d'avancement est presque à cent pour cent. Hop ! Installation réussie.

Il ouvre le logiciel : apparaît une liste de tous les appareils connectés. S'il clique sur celui où il se trouve, le salon, il voit qu'un fichier vidéo est en cours d'enregistrement, mais pas le fichier audio.

— Hello !

Le fichier apparaît. Il cherche dans les préférences le réglage pour les niveaux sonores. Il le trouve et le règle pour des sons très bas. Il fera des tests plus tard avec Varmusse pour évaluer quel niveau sonore minimum sera le bon.

18h00.

Alioth commence à griffonner la feuille qu'il remettra à l'intention des participants ; ils devront se familiariser avec un univers qui leur est très certainement étranger, étrange aussi :

1 - Les bases du spiritisme.

2 - L'utilisation de la salle mystique.

3 - Les règles d'un séance.

4 - Le rôle du maître de séance.

5 - Ce qui peut se passer.

6 - La possibilité qu'il ne se passe rien.

Il préfère évoquer ce point, quoiqu'il doute que la séance soit un échec : tellement de manifestations ont eu lieu dernièrement !

7 - Le type de question qu'ils peuvent poser aux esprits.

8 - Les questions à ne pas poser (à mettre en gras).

9 - L'attitude à avoir vis-à-vis des esprits.

10 - Reconnaître la personne qui se manifeste.

11 - Comment ils doivent aborder ce qu'ils auront reçu comme message(s).

12 - Ne pas franchir la zone de protection tant que la séance n'est pas fini.

11 - L'aspect religieux de la séance.

12 - La coupure si une séance est longue.

13 - La fin de séance.

14 - Le partage des impressions en fin de séance autour d'une collation tardive.

15 - De possibles rêves ou cauchemars dans la semaine qui suivra.

16 - Son téléphone.

17 - Son adresse.

18 - Son Registre du Commerce, même si la séance est gratuite. En sa qualité de professionnel, il croit que c'est une obligation.

Alioth relit, ll espère n'avoir rien oublié. Il ne mettra ce document au propre que demain, ainsi il pourra ajouter des éléments oubliés.

Il essaie d'imaginer leur lettre quel va être le critère principal ? Quelles vont être leur(s) question(s).

Cela dépendra du nombre de lettres reçues. S'il n'y en a que cinq, le choix sera fait en dehors de sa propre perspicacité. Mais si le nombre est supérieur à cinq ? Il comprend qu'il doit tenir les lettres entre ses mains pour décider de la méthode du choix.

Il passe aux réponses qu'il devra faire. S'il y a trop de réponses, il répondra par la négative en ménageant les susceptibilités. Là encore, il faudra avoir la lettre sous les yeux pour décider du contenu.

Pour les participants qui seront retenus, il doit prévoir une réponse par téléphone et pour ceux qui ne l'auront pas indiqué, une réponse par courrier. Dans son matériel, il y a une faille, comment enregistrer la communication téléphonique ? Il devra prendre des notes de ce qui est dit ou les répéter à haute voix pour que son système enregistre. Il risque de passer pour un gogol !

Et si au téléphone, il se rendait compte qu'il a fait une erreur dans le choix du participant ?

Il lui faudra donner la date de la séance qu'après avoir vérifié le sérieux de la personne.

Alioth ressasse les points, les informations, il espère ne rien oublier.

19h00.

Salomon a son instant de folie, court dans la maison, prend son élan et saute partout en faisant des cabrioles.

Bavard tout excité le regarde en sautant sur son perchoir pour suivre ses ébats.

L'air est électrique, une odeur de terre mouillée se fait sentir. Alioth, spectateur souriant devient observateur, c'est anormal. Des bruits de goutte qui tombent. Par précaution, Alioth se dirige vers la cuisine pour vérifier les robinets.

Salomon a stoppé ses ébats, attitude en alerte, puis il s'assoit. Bavard vole vers le sol et se place à côté du chat. Il lui picore la tête, Salomon la secoue. Bavard lui mordille l'oreille, il les remue, sans protester.

Des murmures se font entendre. Alioth est debout à côté de ses animaux. Ils attendent. Ils semblent statufiés. Alioth attend le retentissement d'un coup… qui ne vient pas. L'air s'électrise de plus en plus, un goût de fer dans la bouche, le goût de l'éclair pendant un orage.

Cela ne dure pas, c'est déjà fini.

Ils sont toujours immobiles comme trois compères qui préparent un mauvais coup.

19h15.

Alioth note, son carnet se remplit très rapidement ces derniers temps.

Il appelle Varmusse.

— On se quitte plus mon chéri ! ironise Varmusse. Heureusement, je suis célibataire en ce moment, continue-t-il.
— Encore un phénomène, l'informe Alioth.

Varmusse devient plus sérieux.

— J'arrive. Tu vas tout m'expliquer et surtout me montrer tes joujoux informatiques.

Tout en se rémémorant les sensations inhabituelles, presque irréelles, Alioth cuisine. Le chat se trémousse en se frottant contre ses jambes.

— Il a faim, le félin ! Aujourd'hui c'est un sachet ! Petit sauté de veau en gelée… avec un nom pareil, j'en goutterai bien un peu.

Il ouvre le sachet et le déverse dans la gamelle de Salomon. Au vu du contenu, alioth est moins engagé à goûter.

— T'as beau manger de la grande cuisine pour chat, je te la laisse. Non merci, bon appétit ! Au tour de bavard.

Alioth ouvre un sachet de graines et remplit les bols au bout de son perchoir, puis de l'eau. Il ouvre le réfrigérateur et sort une caille.

— Bavard, c'est la fête, le boucher t'as gardé un cadeau.

Au vu du repas, Bavard baisse la tête et s'apprête à fondre sur sa proie. Alioth lance la caille au sol, comme une boule de pétanque. Le corbeau fond sur sa proie. Salomon qui tourne le dos à la scène, n'a pas bougé. Bavard commence à déchiqueter son repas, bec et pattes font leur travail.

Alioth ouvre son portable, il télécharge les différents fichiers qui sont sur les cartes des appareils. Une fois terminé, il les duplique dans un dossier : "origine-2013-09-09-19h15". Après cela, il initialise les cartes pour de nouveaux fichiers.

Il regarde la liste en cherchant les pistes audio de la pièce mystique, il en regarde un, il est quasi-vide, seul les bruits produits lors de la mise sous tension du matériel ont été enregistrés progressivement par trois appareils.

— Il va falloir que je leur attribue un nom plus court ou que je les numérote pour savoir quel appareil je dois regarder exactement.

Il va chercher des étiquettes, au fur et à mesure change le nom du fichier et va coller l'étiquette sur l'appareil correspondant.

— Terminé, ça va me faire gagner un temps fou quand je vais en avoir besoin.

20h00.

Varmusse arrive avec ses papouilles-bonjour. Il est toujours bien accueilli. Alioth lui propose de dîner avant ou après les mystères à découvrir.

— Après, j'ai d'abord envie de voir ton installation, dit-il en levant la tête pour trouver les nouveaux éléments. Et de voir mon entrée "Bisouman" sur bande son et image d'archive.

Ils se mettent devant l'ordinateur. Alioth télécharge les derniers fichiers. Il explique à Varmusse l'attribution des numéros de fichier et lui montre les matériels correspondants, caméras, micros…

— Avec tous ces éléments, tu vas t'amuser comme un fou.

En s'adressant à l'ordinateur

— Mini-mac tu t'es fait un super copain. !

Alioth rétorque :

— Alors, c'est un copain qui bosse pour moi ! J'ai tout configuré, un seul document par élément, pour les sons ou les mouvements continus. Le fichier comporte le numéro que je lui ai attribué, la date, l'heure exacte. Je duplique les originaux pour une sauvegarde et je classe les fichiers dans un dossier date. Je changerai peut-être, mais c'est en besognant qu'on s'améliore…

Et d'un ton plus ironique, Alioth ajoute :

— Mon copain et moi nous allons faire une dream-team !

Alioth clique sur un enregistrement.

— Et voilà l'entrée du grand très grand Varmusse, se moque Alioth.

A l'écran, vue d'en haut, Varmusse entre et fait la fête aux animaux qui l'accueille. Ce que Varmusse remarque ce sont ses cheveux clairsemés, vus de haut.

— Je suis pitoyable sous cet angle.
— Tout le monde s'en ait aperçu, rigole Alioth, on t'aime aussi pour tes défauts…

Varmusse est vexé de se faire chambrer.

— J'en sais trop rien, je remarque que tu ne précipite pas à ma rencontre.
— Même si je le faisais, j'attendrai que t'en ai fini avec les ingrats à poils et à plumes. S'il me prenait l'envie de te saluer le premier, je prendrai bec et griffe pour la leçon de savoir-vivre, les vrais chefs de famille en premier. Le monde animal a ses hiérarchies invisibles.

Varmusse retrouve son humeur jovial à cette image d'un Alioth picoré et griffé.

— Allez montre-moi les mystère de tout à l'heure.
— Attends, je clique. Heureusement que j'ai installé le matériel de suite.

Ils écoutent le son.

— J'entends pas grande chose, un robinet qui fuit ?
— C'est ce que j'ai cru sur le moment. Mes notes sont : goût de fer dans la bouche, comme un orage, électrisation de l'air, odeur de terre mouillée. Là il y a une faille, les odeurs ne peuvent pas être enregistrées.
— Avec la technologie, ça viendra.

Je crois que je vais énoncer à voix haute ce que je ressentirais sur le moment. Comme ça, ce sera enregistré et je n'aurais plus de notes à prendre.

— Tu me montres les images de la caméra A ?

Il clique.

Varmusse se rapproche de l'écran.

— Revient au début.

Alioth le fait en un clic de souris.

— Regarde là, ce point lumineux, j'ai l'impression qu'il se déplace… C'est ça ! regarde, il grossit un peu. C'est pas un reflet, il est mouvant, on peut dire qu'il enfle comme un battement de coeur. Pas de beaucoup, je te l'accorde, mais c'est mon impression.

Alioth observe sans un mot. Il retourne au début de l'enregistrement, observe, essaie d'entrevoir une autre raison. Rien. L'explication de Varmusse semble la bonne. Il préfère vérifier.

— Tu peux aller à cet endroit, faire du bruit et revenir.

Varmusse s'exécute.

Le nouveau fichier ne comporte aucun point lumineux.

— Demain, j'essaierai de faire un enregistrement à la même heure pour vérifier que ce n'est pas le soleil qui est la cause de cette luminosité.
— Ce serait un concours de circonstances extraordinaire, et cela ôterait la magie de ton enregistrement. Tu n'as rien d'autre ?
— J'ai fait l'installation aujourd'hui, et nous avons déjà une manifestation, que demandez de plus ?
— Ben… j'ai un petit creux. Qu'as-tu préparé ?

Il passe à table. Leur discussion se porte naturellement sur les prochaines lettres. Les réponses tant attendues.

Salomon choisit les cuisses de Varmusse comme coussin de détente. Ses ronronnements bercent la conversation. Bavard est toujours occupé à son tableau en liège.

— Rosa, ma Rosa

La voix est accompagnée d'un coup. Baoum ! Tous deux lâchent leurs couverts. La fourchette de Varmusse tombe sur le chat, puis par terre. Ce second bruit fait sursauter tout le monde, comme si le premier était habituel.

Plus un souffle ne franchit les lèvres d'Alioth et Varmusse. Ce dernier est le plus tendu, pour lui c'est sa première manifestation concernant "l'affaire".

Plus rien d'autre ne se produit.

Ils se détendent. Le chat, sentant la tension, a déjà sauté par terre et se dirige vers le canapé, plus accueillant pour l'instant et surtout à l'abri des fourchettes qui volent.

— Cette fois-ci, tu étais là, je ne suis plus le seul témoin ! Bienvenue chez les illuminés, cher confrère !

Varmusse réfléchit.

— Il a bien dit Rosa, ma Rosa.
— Pas si fou finalement, ta mémoire est intacte.
— Tu te souviens de Sandrine, Dimanche ? elle a évoqué sa tante qui s'appelle Rosemonde. Ca ressemble à Rosa, non ?
— Je ne m'interroge plus sur les coïncidences, tout ce qui se passe en ce moment a l'air d'être lié d'une façon ou d'une autre.
— Sandrine m'a raconté que son mari a trouvé la mort dans un évènement assez atroce : brûlé vif dans un accident ! Elle a dû mal à s'en remettre ; elle rêve et imagine sans cesse la douleur de son mari dans les derniers instants de sa vie. Ils étaient très liés, ils n'ont pas eu d'enfant, mais un amour immense l'un pour l'autre.
— Un décès récent, possible que Rosemonde soit importante pour nous. On téléphone à Sandrine, il est plus de vingt-et-une heures ?
— Je téléphone de suite.

Varmusse appuie sur le raccourci "Sandrine". Elle décroche.

— Sandrine, excuse-moi de te déranger. Tu connais Alioth, il ne fait rien comme tout le monde, une voix s'est manifestée chez lui.
— Ca m'a l'air normal pour un médium, deux en l'occurrence, ironise Sandrine.
— Je ne plaisante pas Sandrine. Cette voix appelait "Rosa, ma Rosa". Ta tante s'appelle Rosemonde, n'est-ce pas ? Quel est le petit nom que lui donnait son mari ?
— Rosa… dit Sandrine, interloquée. Tu veux dire qu'il essaie de la contacter ? Par votre intermédiaire ?

Voyant sa compagne perturbée par le coup de téléphone, Pierre la fait asseoir sur une chaise.

— Une mauvaise nouvelle ?
— Non, peut-être une bonne, c'est Varmusse, il est chez Alioth !

Devant l'incongruité des appels de Varmusse, Pierre ne se fait plus de souci, l'étrange rode autour des médiums, mais ce n'est jamais malsain.

— C'était Pierre, il s'inquiète. Je dois avoir l'air éberluée. Ma tante voulait justement voir un médium, je t'en ai parlé dimanche, je lui ai donné ton numéro de téléphone.
— Tu peux me donner le sien ?
— Bien sûr, c'est une ligne fixe. Ne l'appelle pas le soir, elle prend des somnifères en ce moment. Tu as de quoi noter ?

Sandrine énonce les dix chiffres. Papouille bonsoir et tout le monde raccroche.

— Je lui téléphone demain matin, dit Alioth. Si elle est partante pour la séance, nous n'aurons que quatre autres personnes à trouver.
— Vendu, s'exclame Varmusse. Dis-moi, tout ce que nous venons de dire est enregistré ?
— Oui, mais cela ne figurera que dans les originaux, je n'archiverai que la manifestation, sinon je vais me laisser submerger par l'informatique.
— Big Brother à domicile ! dénonce Varmusse.

En baissant la voix, Varmusse montre un capteur.

- Et si j'chuchote, c'est du boulot en plus ?


 

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