Mon débarras ressemble aux ténèbres qui s'emparent de moi dès lors que j'aperçois par le trou de la serrure une fumée noire qui m'interpelle et qui m'enjoint inexorablement à ouvrir ce débarras.
Lorsque j'ouvre le débarras, j'y suis happée par une main noire invisible qui referme la porte derrière moi.
Les ténèbres du débarras révèlent à moi des souvenirs d'où surgissent une luxuriance qui prend la relève de la suie poisseuse.
Une luxuriance qui colore le débarras de plantes émeraude où éclosent dans leur corolle des coeurs de femmes battant ayant fait partie de ma vie.
Chaque coeur a sa fleur personnelle.
La première pousse dans le rangement inférieur du débarras ; c'est une rose couleur ébène comme le spleen d'une vie sans domicile fixe entravant les espoirs de projets difficilement partagés.
La deuxième est une fleur unique engendrée par Hermès et Aphrodite à l'instar de l'orchidée hermaphrodite et qui m'a appris le plaisir pour la première fois dans un souffle endiablé ; elle est cachée profondément dans un recoin du débarras.
La troisième est une fleur de cactus belle mais qui pousse sur un corps de piquant qui repousse mes doigts caressant ; fleur au couleur du désert marocain jouant de schizophrénie entre amour et dégoût mais qui reste un beau souvenir.
Elle est située à mi-hauteur du débarras.
La quatrième est sans doute la plus belle et la plus ardente ; située au sommet du débarras où elle est pour moi inatteignable, je l'admire par-dessus tout.
C'est une iris des steppes d'orient aux pétales rayonnant comme le soleil d'Asie mineure.
Plus je reste dans le débarras plus la végétation me projette dans un monde d'aventures et d'effigie à l'image d'une personnification que je reconnais mal.
Je dois faire la démarche de cueillir ces fleurs pour les amener vers un but précis à travers un parcours à la progression lente et difficile où les arbres, les lianes se dressent, s'animent, me retiennent et m'entraînent jusqu'au bout de moi-même.
Enfin, j'avance dans une clairière apaisée où est érigé un mausolée à l'architecture babylonienne, une statue imposante se trouve à son sommet, je reconnais la figure tutélaire à la position lascive d'Ishtar, déesse de l'amour.
Je grimpe péniblement les marches pour y déposer enfin les fleurs, écrin de ces coeurs tourmentés.
Je dois me débarrasser de ces souvenirs, cadavres secrets dans le placard, le débarras, mais je conserve l'iris des steppes de Turquie qui est la plus belle de ces fleurs à mon sens et que je garde précieusement.
Je l'offre à Ishtar dans l'espoir qu'elle prenne corps et vienne à la vie à l'image de l'être aimée à qui je me donnerais si la Déesse la matérialisait.
Mais rien n'y fait et soudain un courant d'air entrouve la porte du débarras et l'univers enchanteur le composant se désagrège peu à peu.
Je cours et dévoile le mausolée dans l'espoir de refermer la porte.
Comme par enchantement, réapparaît balais, serpillières, cartons, tous ces objets du quotidien qui finissent d'achever mon rêve avorté.
Mais elle, l'inatteignable amour oriental restera toujours dans mes rêves où je l'y retrouverais plus tard et cette fois, je ferais corps avec elle.
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